Un Shark Spotter en poste à Fish Hoek - photo © Alison Kock / Save Our Seas
C'est notre 100eme post... et cela fait déjà un bon moment que j'avais prévu de vous parler des
Shark Spotters, les "guetteurs de requins" déjà mentionnés maintes fois dans ce blog, et du déplacement des grands requins blancs
inshore (près des côtes) à certains moments de l'année en Afrique du Sud.
Mais les événements liés aux requins cet été nous ont pris de court ici à
Shark Alley.
Le "débat" à la Réunion ayant réclamé le devant de la scène, nous avons
du reporter la rédaction d'articles présentant cette structure... unique au monde. C'est pourquoi nos prochains posts vont
s'y consacrer... d'autant que les Shark Spotters ont été (re)propulsés
sur le devant médiatique il y a un mois avec un accident pour le
moins hors norme à
Fish Hoek près de Cape Town (nous y reviendrons dans un prochain post).
L'idée de surveiller les plages face au danger que peuvent représenter des requins, (ou de tout autre danger naturel lié à l'océan) ne date evidemment pas d'hier, et les Shark Spotters auraient pu en rester là, à du simple
spotting. Mais quand on y regarde de plus près, on peut voir que ce programme va bien plus loin et qu'il se distingue en associant prévention, surveillance et sécurité avec éducation, sensibilisation et recherche.... un programme pensé sur le long terme.
Muizenberg, vue du point d'observation des Shark Spotters (août 2011)
Les débuts.
Le
Shark Spotting sur les plages de Cape Town est né en 2004, à la suite de deux accidents : l'un à Muizenberg Beach où un jeune surfer faillit perdre la vie, mordu gravement à la jambe par un grand requin blanc et l'autre à Fish Hoek, ou une nageuse a péri en novembre 2004.
Les mois qui ont suivi l'événement ont laissé le Surfer's corner, le célèbre spot de Muizenberg, quasi vide de sa faune habituelle d'amateurs de surf et de baigneurs occasionnels. Les quelques "gardiens de voitures" (un job d'appoint largement répandu en Afrique du Sud) ont également accusé le coup, se retrouvant en chômage technique.
Face à cette baisse de fréquentation, certains de ces "car guards" se sont organisés en une sorte de mini-réseau de surveillance. Postés sur les hauteurs des montagnes avoisinantes, munis de jumelles, ils avertissaient par téléphone le Surf-shop local en cas d'approche d'une ombre suspecte aux abords de la plage, permettant ainsi d'avertir les surfeurs à l'eau.
Ce système s'est développé avec le soutien d'une personnalité locale, Greg Bertish, et de quelques surfeurs, qui ont permis l'achat de matériel (radio, jumelles et lunettes), l'installation d'une
alarme et l'implémentation d'un
système de drapeaux, améliorant ainsi cette surveillance lors de compétitions de surf. Quelques pêcheurs de Fish Hoek se sont également impliqués en reportant les signalements de requins.
Plage de Muizenberg, première signalétique d'avant 2010.
Le système s'avérant efficace, la ville de Cape Town, le WWF South Africa et divers acteurs locaux se sont rapidement investis dans le programme apportant des fonds pour son financement et son développement sur d'autres plages le long de la côte.
Les Shark Spotters sont maintenant présents sur 6 sites, dont 4 en
permanence (Muizenberg, St James, Fish Hoek, Noordhoek). La structure
est coordonnée par le
Kommetjie Environmental Awareness Group
(KEAG), en association avec le Save Our Seas Shark Centre basé à St James/Kalk Bay, le Marine
and Coastal Management (MCM) et l'Université De Cape Town.
Le fonctionnement.
Les spotters sont postés à des points stratégiques
en hauteur,
équipés de jumelles et de lunettes polarisées,
ils scrutent l'océan et
sont en
contact radio permanent avec un autre spotter sur la plage.
Si un requin est aperçu, le guêteur alerte aussitôt son confrère sur la plage. Celui ci, en coopération avec les
lifeguards
(l'équivalent des MNS) décideront de la suite des opérations. Si le
requin se rapproche trop près du rivage,
l'alerte est donnée, la sirène
retentit et le drapeau blanc est hissé. Tout le monde se doit de sortir
de l'eau jusqu'à nouvelle instruction.
Le système de drapeaux
Vert : Bonnes conditions d'observations. Pas de requin en vue.
Noir : Mauvaises conditions d'observations. Pas de requin en vue.
Rouge : Alerte maximale. Un requin a été observé dans les 2 dernières heures / risque élevé de présence de requin.
Blanc : Présence d'un requin. Personne ne doit entrer dans l'eau.
L'alerte est levée dès que le squale repart vers le large. Le drapeau rouge est alors hissé, signifiant qu'un requin a été aperçu durant les deux dernières heures.
Pour chaque observation de requins (et également pour les autres événements marins notables, baleines, dauphins etc...) une série de datas est dûment annotée par le guetteur; (date, heure, position géographique de l'animal, parcours, durée de l'observation, température de l'eau etc...)
alimentant une base de donnée collectée par les scientifiques du Save Our Seas Shark Centre engagés sur un programme d'étude à long terme sur les requins blancs de False Bay.

Le public peut également participer au programme en reportant le signalement d'un requin aux Shark Spotters via le web (sur leur site
http://sharkspotters.org.za, sur leur
facebook ou
twitter) ou par téléphone.
Depuis 2010, la signalétique a été améliorée. Tous les drapeaux possèdent dorénavant la silhouette d'un requin pour
bien les différencier des signalétiques habituelles, et des panneaux aux abords des plages informent le
public et usagers des conditions du jour sur le site. Un marquage "high risk area" a également été mis
en place aux endroits sensibles, tel
Jaggers Walk à Fish Hoek.
Un système efficient.
L'effectif des Shark Spotters est constitué d'une vingtaine de personnes, se relayant 7 jours sur 7 pour effectuer cette surveillance. Depuis 2004, les spotters estiment qu'une
centaine de grands requins blancs ont été ainsi repérés chaque année en moyenne.
Bien que les requins blancs soient présents tout au long de l'année autour de la péninsule du Cap, les observations sont plus nombreuses,
quasi quotidiennes, lors du "pic saisonnier", une période fluctuante selon les années, qui va de septembre à février. A False Bay, les requins abandonnent alors peu à peu
Seal Island, leur terrain de chasse, pour se disperser, et certains se rapprochent plus près des côtes. Ces déplacements sont un phénomène encore mal connu d'où l'importance du travail des Shark Spotters pour l'étude de ce comportement.
La présence de requins blancs aux abords des plages de False Bay ne provoque plus l'hystérie, on a pu s'en rendre compte lors de notre passage dans la région en août dernier. Les Sud africains du Cap semblent avoir intégré la nécessité d'un partage équilibré (et écologiquement viable) de l'océan avec ses habitants.
Et même s'il est encore perfectible, le programme des Shark Spotters de
Cape Town est à ce jour une des meilleures méthodes non-intrusive - la
voie sage en quelque sorte - qui permet une cohabitation relativement sereine entre hommes et requins.
→ le site web des Shark Spotters :
http://sharkspotters.org.za
Muizenberg, 20 août 2011.
Fish Hoek, 20 août 2011. Dernier requin blanc "spotté", le 4 août à 9h.
Muizenberg, 21 août 2011.