Pierre Belon (1517-1564) était un apothicaire, botaniste et naturaliste français. Il publie en 1551
L’Histoire naturelle des estranges poissons marins avec la vraie
peincture et description du Dauphin et de plusieurs autres de son espèce suivi par
De aquatibus en 1553. Dans ce dernier il décrit environ 110 espèces d'animaux marins, dont une dizaine de requins
.
Le livre est publié en langue française en 1555 sous le titre La Nature et diversité des poissons, avec leurs pourtraicts représentez au plus près du naturel.
Belon consacre un petit paragraphe à la Lamie (Lamia) dont la description des dents "blanches et pyramidales" ne
laisse pas de doute sur l'identité du poisson en question, il s'agit du requin blanc. Mais il évoque aussi une autre espèce : le Perlzfische de Norvège,
Canis Carcharias, apellé aussi
Hamia. Et là on s'y perd quelque peu. Sa description ressemble à un curieux mix entre un requin du Groenland (
Somniosus microcephalus) habitué des eaux plutôt froides (et parfois de grande taille)... et un requin taupe (vitesse, dentition). A moins que ça ne soit totalement autre chose. Quant à l'illustration (ci-dessus), on peut y trouver une petite ressemblance avec le requin du Groenland mais elle laisse aussi fortement penser à qui vous savez.
Le Perlzfische de Norvège que les
anciens nommoyent Chien Carcharien autrement Hamia.
Ce poisson se trouve plus grand au pays
de Norvège, qu'en autre endroit de l'Europe. C'est l'ennemi capital
du dauphin combien qu'il ne lui soit en rien semblable : car il
n'a nul os et a la peau âpre et dure, la tête, les pertuyz (ouvertures)
des ouies, et le reste du corps, ainsi qu'un chien de mer au reste
des épines et de la grandeur du corps qui surpasse quelquefois le
poids de 200 livres. Pour laquelle cause ils l'appellent perlzfisch
qui vaut à dire poisson de montagne et le font sécher pour en
contrefaire des monstres marins. Au demeurant ce poisson nage en
compagnie et en flotte et surpasse en vitesse toute autre espèce de
la sorte. Pour laquelle cause il a les ailes des cotés plus grandes
que nul autres ; et la queue d'une coudée detendu en façon de
ce que les Vénitiens appellent porc marin. Il est de proye et a la
bouche garnie de quatre rangées de dents en nombre de 144, dont
celles de devant sont rondes et aigues et les dernières mousses et plates, de la façon qui sera décrite au poisson
Lamia.
Et donc on en vient au poisson Lamia :
Lamia est un poisson
cartilagineux qui (à mon avis) croit en plus excessive grandeur que
nul autre de son espèce et qui rend aussi ses petits en vie tout
ainsi que les autres cartilagineux plats. Nous avons fait mention ci
dessus d'un autre poisson en l'espèce des cartilagineux, nombre
entre les poissons longs c'est à dire sans os, lequel, à notre
opinion, était celui que quelques uns avaient nommé Carcharias. Et
pour ce que quelques autres ont pensé que ce fut une même chose que
Lamia & Carcharias, et ayant déjà (baillé?) le
portrait du susdit ai voulu m'en souvenir en cet endroit, pour faire
entendre que je les estime d'espèce différente en tant que l'un
est long, ressemblant aux chiens de mer et l'autre est plat
ressemblant aux anges et squatines nageant de son large en la même
manière.
Ce poisson a la bouche bien garnie de quatre rangées de
dents comme l'autre, mais au lieu que le susdit n'a que 144 dents,
celui ci en a plus de 200 et larges et cochées à l'environ et
aiguës à l'extrémité comme je pourrais faire voir par une
(sienne?) mâchoire desséchée entière avec ses dites dents.
Ce poisson n'a point changé son
antique appellation entour la côte de Genes, Naples et Marseille car
encore maintenant le nomment Lamia. Et quand ils en ont péché
quelqu'un, ils le mangent à la manière des autres cartilagineux,
n'oubliant toutefois à lui réserver ses dents, car autant
qu'elles sont dures, blanches et pyramidales, c'est à dire larges
par en bas, et pointues au bout et cochées par les orées. Le
vulgaire croit facilement que ce soit (des) langues de serpents
par quoi les font enchasser en argent et de fait on en trouve
ordinairement entre les ouvrages des orfèvres exposées en vente à un chacun. (La) nature s'est plus jouée à exprimer les figures
des poissons et pierres que des autres animaux, par quoi elle a
aussi fait de telles dents, qui sont minérales. Mais je donnerais
enseigne à les savoir distinguer quand j'écrirais les pierres qui
ont leurs appellations des poissons. Qui escorcheroit ce poisson pourrait faire servir sa peau à polir le bois comme des
chiens de mer.
→ De aquatibus (1553) consultable en ligne sur
unistra.fr
→ La nature et diversité des poissons (1555) en ligne sur
Gallica
→ une petite
biographie de Pierre Belon
→ Pierre Belon sur Wikipédia