28 janvier 2016

1667 - Canis carchariae dissectum caput (Steensen)

Niels Steensen (1638-1686), en français Nicolas Sténon, anatomiste et géologue d'origine danoise, fait paraître en 1667 son étude sur la dissection de la tête d'un requin blanc capturé à Livourne (Italie) l'année précédente : Canis carchariae dissectum caput et dissectus piscis ex canum genere...

Il y constate la minuscule taille du cerveau, mais il est surtout frappé par la dentition du requin, leur disposition et leur consistance, les plus internes étant molles et à demi enfouies dans la gencive, les plus externes dures et acérées en dents de scie. Sténon est également frappé par la forme des dents, similaires à celle des glossopetrae, les "langues de pierres" trouvées au sol dans certaines régions.

Sur ce sujet, Fabio Colonna (1567-1640) avait déjà démontré de manière convaincante en 1616 (dans son traité De glossopetris dissertatio) que les glossopètres étaient des dents fossiles de requin. Sténon réaffirmera cette idée en abordant notamment les différences de composition entre dents de requins et glossopètres. Il développera plusieurs théories sur les fossiles, et à ce titre il est à l'origine d'avancées significatives vers la paléontologie et la géologie moderne.




27 janvier 2016

1658 - Histoire naturelle et morale des îles Antilles... (De Rochefort)

Histoire naturelle et morale des iles Antilles de l'Amérique est publié en 1658 à Rotterdam. Le pasteur Charles de Rochefort (1605-1683) en est l'auteur présumé.

Un petit chapitre est dédié au "Requiem", le chien de mer "le plus goulu de tous les poissons et le plus avide de chair humaine". S'agit-il du grand requin blanc? La description est assez approximative. Reste le plus intéressant, une des premières référence au Requiem pour désigner ce grand squale, quel qu'il soit, et le rapprochement avec son équivalent espagnol "Tiburon/Tuberon".









Quant à la planche d'illustration (ci dessous), le Requiem y fait plutôt pâle figure. Par comparaison, l'illustration figurant dans le livre de Rondelet cent ans plus tôt est bien plus fidèle.



Histoire naturelle et morale des iles Antilles de l'Amérique sur archive.org

25 janvier 2016

1634 - Tiburao (Wagenaer)

Zacharias Wagenaer (1614-1668), clerc hollandais, fit dans son journal publié sous le titre Thier Buch (1634-37) ce portrait d'un Tiburao au Brésil alors qu'il travaillait à la cour du gouverneur Johann Moritz de Nassau-Siegen.



23 janvier 2016

1613 - De piscibus... (Aldrovandi)

Ulisse Aldrovandi (1522-1605) naturaliste italien.
De piscibus libri V. et de cetis lib. unus (1613) - publié à titre posthume.















De piscibus libri V. et de cetis lib. unus consultable sur SCD de l'Université de Strasbourg

21 janvier 2016

1558 - Historiæ animalium (Gesner)


Conrad Gesner
(1516-1565) naturaliste suisse, commence en 1551 la publication d'une oeuvre monumentale Historiæ animalium, dont l'ambition est de rassembler tous les savoirs sur tous les animaux.
Dans Historiæ animalium : liber IIII qui est de Piscium & aquatilium animantium natura (1558) qui concerne les animaux marins, Gesner y reprend en grande partie les travaux de Rondelet (dont il a suivi les cours) et Belon.









Outre une copie de l'illustration du requin blanc tirée du livre de Rondelet, Conrad Gesner ajoute à son article l'illustration d'un Canis carcharias d'après un spécimen probablement séché. On y trouve également l'illustration d'une "langue de serpent" ou glossopètre trouvé à Malte, et dont certains pensent (avec raison) que ce pourrait être une dent de requin.

Historiæ Animalium Liber IIII consultable en ligne
Conrad Gesner sur Wikipedia

17 janvier 2016

1554 - L'histoire entière des poissons (Rondelet)

Guillaume Rondelet (1507-1566) médecin et naturaliste français, rédigea plusieurs textes de médecine et de pharmacopée mais il est surtout connu pour L'Histoire entière des Poissons.

Cette œuvre est constituée de deux livres : Libri de Piscibus Marinis... (1554) et Universae aquatilium Historiae... (1555). Ils ont été traduits du latin en français par son élève Laurent Joubert et regroupés en un seul ouvrage en 1558 : L’histoire entière des poissons avec leurs pourtraits au naïf. Il restera pendant près de deux siècles l’ouvrage le plus complet sur la faune marine. Certaines de ses descriptions font preuve d’une précision toute scientifique, d’autres sont totalement fantaisistes comme ses descriptions de poissons en "habits" de moine et d’évêque.

Dans le livre XIII figurent les descriptions et illustrations de 11 espèces de requins.








Plus bas, L'Histoire entière des poissons dans sa version française de 1558, et les pages décrivant le grand requin blanc avec son nom moyenâgeux : La Lamie.







Ce qui donne (à peu près) ceci:

AAMIA en Grec, le même nom a été retenu des Latins. Elle est ainsi nommée de ce qu'elle a grande gorge, en Italie, en Languedoc, Provence, Espagne a le même nom, à Bayonne ; Frax. C'est le poisson le plus grand de tout ceux de cette façon de corps desquels nous avons parlé en ce livre. Aucune fois il est si grand, qu'étant sur une charrette, se peut à peine (se faire) trainer par deux chevaux. J'ai vu une moyenne lamie peser mille livres. Elle a la tête et le dos fort larges, la queue, si vous regardez la grandeur du corps, peu grosse et (peu) épaisse, plate par les côtés, finissant en deux ailes. Non pas loin d'elles, il y en a deux petites, l'une en haut, l'autre en bas, deux autres près du trou des excréments, deux autres près des ouïes, (et) une seule au dos.

Elle est couverte de peau dure, sous laquelle il y a de la graisse. Elle a la tête fort grande, le dos court mais large, l'ouverture de la gueule fort grande, les dents dures et très aiguës, de figure de triangle, découpées des deux côtés comme une scie, disposées par dix rangs. Celles du premier rang se montrent hors de la gueule et tendent vers le devant. Celles du fond sont droites, celles du troisième, quatrième, cinquième, sixième sont courbées vers le dedans de la bouche pour la plupart. En tout, les deux mâchoires sont couvertes d'une chair molle et spongieuse.

Elle a l'estomac et la gorge merveilleusement amples et spacieux. Le foie, gras, divisé en deux parties. Les yeux fort grands, ronds, desquels les muscles qui les font mouvoir en haut, en bas, à gauche, à droite, sont fort apparents. Les muscles, qui aucunement tirent les yeux au dedans et les tiennent immobiles et fichés en un endroit comme en ceux qui sont ravis en contemplation, ils n'environnent pas la racine des nerfs optiques, mais (sont) issus de la plus haute partie de l'os dans lequel les yeux sont logés, sont étendus du long, comme aux hommes.

Une autre chose il y a en ce poisson fort digne d'être notée, c'est qu'au lieu des nerfs optiques qui viennent du cerveau aux yeux en tous animaux, en ce poisson il y a une substance dure cartilagineuse sans être aucunement molle.

Ce poisson mange les autres, il est très goulu, il dévore les hommes entiers comme on a connu par expérience ; car à Nice et à Marseille on a autrefois pris des lamies, dans l'estomac desquelles on a trouvé un homme armé entier. De cette grande voracité des Lamies, je crois qu'on a appelé Lamies certaines sorcières, lesquelles pour avoir fort grande envie de manger de la chair humaine par tout moyens, de plaisir de paillardise, attirent à soi les beaux jeunes hommes pour après les manger. J'ai vu (une) Lamie en Saintonge de gorge si grande qu'un homme gros et gras aisément y fut entré, tellement que si avec un baillon (bâton?) on leur tient la bouche ouverte, les chiens y entrent aisément pour manger ce qu'ils trouvent dans l'estomac.

Ce que considérant de près j'ai pensé que ce soit une Lamie dans le ventre de laquelle Jonas, par la providence divine, fut par l'espace de trois jours, d'où (il) en (est) sorti sain et sauf, ce qui n'est aucunement contre la sainte écriture; car il est écrit que Jonas fut au ventre d'un Cète, lequel nom est général à tout poisson fort grand et principalement ceux lesquels engendrent (un) animal vif sans oeufs selon Aristote. Qui que ce soit, il ne faut point plus par le nom de Cète entendre une baleine, qu'un autre poisson cétacé veux mêmement que la baleine a une âpre artère, des poumons lesquels tiennent lieu de sorte qu'il faut que l'estomac et la gorge ne soient si grand qu'en la Lamie, dans laquelle on a trouvé autrefois des hommes entiers.

La Lamie a la chair blanche pas fort dure, ni de mauvaise senteur, par ce meilleure que plusieurs chiens de mer. Je pense que la Lamie soit le poisson nommé Carcharias dans Athenée, où Archestrate loue tant le dessous du ventre et enseigne comme il le faut acoustrer (le préparer), disant que ceux sont sots qui n'en voudraient (en) manger à cause qu'il mange des hommes. Les orfèvres garnissent les dents d'argent, les appelant "dents de serpents". Les femmes les pendent au col des enfants, et pensent qu'elles leur font grand bien quand les dents leur sortent (et) qu'elles les gardent aussi d'avoir peur.


L’histoire entière des poissons en ligne sur Gallica
Guillaume Rondelet sur Wikipédia

15 janvier 2016

1553 - La nature et diversité des poissons... (Belon)

Pierre Belon (1517-1564) était un apothicaire, botaniste et naturaliste français. Il publie en 1551 L’Histoire naturelle des estranges poissons marins avec la vraie peincture et description du Dauphin et de plusieurs autres de son espèce suivi par De aquatibus en 1553. Dans ce dernier il décrit environ 110 espèces d'animaux marins, dont une dizaine de requins.





Le livre est publié en langue française en 1555 sous le titre La Nature et diversité des poissons, avec leurs pourtraicts représentez au plus près du naturel.

Belon consacre un petit paragraphe à la Lamie (Lamia) dont la description des dents "blanches et pyramidales" ne laisse pas de doute sur l'identité du poisson en question, il s'agit du requin blanc. Mais il évoque aussi une autre espèce : le Perlzfische de Norvège, Canis Carcharias, apellé aussi Hamia. Et là on s'y perd quelque peu. Sa description ressemble à un curieux mix entre un requin du Groenland (Somniosus microcephalus) habitué des eaux plutôt froides (et parfois de grande taille)... et un requin taupe (vitesse, dentition). A moins que ça ne soit totalement autre chose. Quant à l'illustration (ci-dessus), on peut y trouver une petite ressemblance avec le requin du Groenland mais elle laisse aussi fortement penser à qui vous savez.





Le Perlzfische de Norvège que les anciens nommoyent Chien Carcharien autrement Hamia.
Ce poisson se trouve plus grand au pays de Norvège, qu'en autre endroit de l'Europe. C'est l'ennemi capital du dauphin combien qu'il ne lui soit en rien semblable : car il n'a nul os et a la peau âpre et dure, la tête, les pertuyz (ouvertures) des ouies, et le reste du corps, ainsi qu'un chien de mer au reste des épines et de la grandeur du corps qui surpasse quelquefois le poids de 200 livres. Pour laquelle cause ils l'appellent perlzfisch qui vaut à dire poisson de montagne et le font sécher pour en contrefaire des monstres marins. Au demeurant ce poisson nage en compagnie et en flotte et surpasse en vitesse toute autre espèce de la sorte. Pour laquelle cause il a les ailes des cotés plus grandes que nul autres ; et la queue d'une coudée detendu en façon de ce que les Vénitiens appellent porc marin. Il est de proye et a la bouche garnie de quatre rangées de dents en nombre de 144, dont celles de devant sont rondes et aigues et les dernières mousses et plates, de la façon qui sera décrite au poisson Lamia.




Et donc on en vient au poisson Lamia :
Lamia est un poisson cartilagineux qui (à mon avis) croit en plus excessive grandeur que nul autre de son espèce et qui rend aussi ses petits en vie tout ainsi que les autres cartilagineux plats. Nous avons fait mention ci dessus d'un autre poisson en l'espèce des cartilagineux, nombre entre les poissons longs c'est à dire sans os, lequel, à notre opinion, était celui que quelques uns avaient nommé Carcharias. Et pour ce que quelques autres ont pensé que ce fut une même chose que Lamia & Carcharias, et ayant déjà (baillé?) le portrait du susdit ai voulu m'en souvenir en cet endroit, pour faire entendre que je les estime d'espèce différente en tant que l'un est long, ressemblant aux chiens de mer et l'autre est plat ressemblant aux anges et squatines nageant de son large en la même manière.

Ce poisson a la bouche bien garnie de quatre rangées de dents comme l'autre, mais au lieu que le susdit n'a que 144 dents, celui ci en a plus de 200 et larges et cochées à l'environ et aiguës à l'extrémité comme je pourrais faire voir par une (sienne?) mâchoire desséchée entière avec ses dites dents.

Ce poisson n'a point changé son antique appellation entour la côte de Genes, Naples et Marseille car encore maintenant le nomment Lamia. Et quand ils en ont péché quelqu'un, ils le mangent à la manière des autres cartilagineux, n'oubliant toutefois à lui réserver ses dents, car autant qu'elles sont dures, blanches et pyramidales, c'est à dire larges par en bas, et pointues au bout et cochées par les orées. Le vulgaire croit facilement que ce soit (des) langues de serpents par quoi les font enchasser en argent et de fait on en trouve ordinairement entre les ouvrages des orfèvres exposées en vente à un chacun. (La) nature s'est plus jouée à exprimer les figures des poissons et pierres que des autres animaux, par quoi elle a aussi fait de telles dents, qui sont minérales. Mais je donnerais enseigne à les savoir distinguer quand j'écrirais les pierres qui ont leurs appellations des poissons. Qui escorcheroit ce poisson pourrait faire servir sa peau à polir le bois comme des chiens de mer.

De aquatibus (1553) consultable en ligne sur unistra.fr
La nature et diversité des poissons (1555) en ligne sur Gallica
une petite biographie de Pierre Belon
Pierre Belon sur Wikipédia